La décadanse

EAU ARGENTÉE, SYRIE AUTOPORTRAIT

Spoutnik

« Je suis partie à Alep acheter une caméra que j'ai fait entrer clandestinement à Homs, j'ai contacté Ossama, et je me suis mise à filmer sans pouvoir m'arrêter. Même en dormant, je tenais la caméra. Je crois que si j'ai survécu, c'est grâce à cette caméra : elle était comme un cœur qui battait, et Ossama à Paris était le cordon ombilical qui me reliait à la vie. » Wiam Simav Bedirxan
« En Syrie, les Youtubeurs filment et meurent tous les jours. Tandis que d’autres tuent et filment. A Paris, je ne peux que filmer le ciel et monter ces images Youtube, guidé par cet amour indéfectible de la Syrie. De cette tension entre ma distance, mon pays et la révolution est née une rencontre. Une jeune cinéaste Kurde de Homs m’a « Tchaté » : « Si ta caméra était ici à Homs que filmerais-tu ? » Le film est l’histoire de ce partage. » Oussama Mohammad

Festival de Cannes, mai 2014 : Oussama Mohammad et Wiam Simav Bedirxan, co-réalisateurs d'EAU ARGENTÉE (du prénom kurde de la réalisatrice "Simav") se rencontrent pour la première fois à l'occasion de la première mondiale du film. Amaigrie, épuisée, tout juste sortie de la ville d'Homs en ruine, la jeune femme fond en larmes. Le contraste est trop violent…

Lui est un cinéaste syrien réputé dont les films ont régulièrement été présentés au Festival. Exilé à Paris depuis 2012 après avoir prononcé un discours virulent contre le régime de Bachar el-Hassad, il est en proie à la culpabilité de ne pas être dans son pays. Pour compenser, il parcourt les centaines de vidéos postées sur le Net par ceux qui vivent les évènements : manifestations, bombardements, tortures, avancées des uns, retraits des autres. Il ne sait quel sens donner à ce magma d'informations.

Elle, bloquée dans la ville assiégée d'Homs, est témoin de l'horreur sous toutes ses formes : "Ce qui se passe en Syrie est en dehors des lois de la nature et de l'humanité". Pour ne pas sombrer dans la folie, elle décide de se procurer une caméra - tâche périlleuse - et de filmer. Mais filmer ne suffit pas, il faut donner un sens aux images. Elle décide alors d'écrire à ce réalisateur dont les textes l'ont touchée. Débute alors un échange entre deux individus incapables de faire face seuls à cette réalité presque irréelle, souvent inintelligible. Un pont virtuel se tend dès lors à travers le langage, à travers l'écoute, qui sont si souvent absents en condition de guerre.

En résulte un film extrêmement fort qui touche non seulement au coeur de la tragédie syrienne, mais également à l'acte de filmer, au régime de production et de diffusion des images actuel et au cinéma lui-même. Ces found footages ou "images trouvées" qui laissent ensuite place aux images de Simav sont-elles à considérer comme des archives, des témoignages, de la propagande, de la (sur-)information ? Comment les appréhender ? Comment les assimiler ?

De longues discussions en vue à l'issue de la séance ...
20:00
normal 12.- / réduit 8.- / membre 7.- / 20ans20/francs 5.-
Signaler une erreur Ajouté par Cinéma Spoutnik le 23 février 2015