La décadanse

MARLÈNE SALDANA/JONATHAN DRILLET - Showgirl

Théatre Vidy-Lausanne

"Comment survivre dans un monde peuplé d’ordures?" résumait Jacques Rivette en décrivant le film de Paul Verhoeven. En 1995, le cinéaste néerlandais filme les grandeurs et décadences de Las Vegas comme la métaphore prémonitoire d’une Amérique qui s’enivre de vulgarité crasse et broie les êtres. Le film, incandescent et obscène, regarde sans commentaire le destin d’une jeune femme venue tenter sa chance dans la ville du jeu et de l’argent facile. Elle accepte toutes les humiliations et deviendra elle-même prédatrice, prête à tout pour survivre. Très mal reçu par la critique et le public à sa sortie, il est aujourd’hui reconnu comme un monument de la contre-culture queer, du camp et de l'expressionnisme pop, un film culte dans lequel légèreté, strass, paillettes décrivent la lutte des classes et des sexes et les rapports de domination-soumission. Showgirls est un grand film sur le genre, ses violences et ses métamorphoses.

Marlène Saldana est une actrice aux talents multiples qui a incarné aussi bien un Jacques Demy ambivalent et vogueur dans Les Idoles de Christophe Honoré que les créatures les plus délurées qui peuplent les spectacles de Sophie Perez et Xavier Boussiron. Elle plonge cette fois dans l’univers mental contradictoire, boursoufflé et délirant de Nomi, l’héroïne du film de Paul Verhoeven. Entre impuissance et affirmation de soi, strass et abîmes de vacuité, elle arpente la scène du théâtre comme une femme puissante et clownesque dans un monde vulgaire et déjanté. Comme Nomi, elle danse sur un volcan, mamelon évoquant l’absurdité d’Oh les beaux jours de Beckett autant que podium pour une performance à la Copi. Son Showgirl est un monologue grotesque, un stand up queer, un oratorio techno exalté par la musique incessante composée par Julia Lanoë, alias Rebekka Warrior (Sexy Sushi, Kompromat, Mansfield Tya) : une vision lucide, joyeuse et cauchemardesque, d’une société malade de ses stéréotypes patriarcaux et d’une résurrection par la dérision, les paillettes et l’ivresse.
19:30 – 20:50
Signaler une erreur Ajouté par Théâtre Vidy-Lausanne le 17 septembre 2021