La décadanse

𝐆𝐫𝐚𝐮𝐳𝐨𝐧𝐞 𝐝𝐞 𝐅𝐫𝐞𝐝𝐢 𝐌. 𝐌𝐮𝐫𝐞𝐫

Spoutnik

𝐆𝐫𝐚𝐮𝐳𝐨𝐧𝐞 | 𝐅𝐫𝐞𝐝𝐢 𝐌. 𝐌𝐮𝐫𝐞𝐫 | 𝐒𝐮𝐢𝐬𝐬𝐞 | 𝟏𝟗𝟕𝟗 | 𝟏𝟎𝟏’ | 𝐕𝐨, 𝐬𝐨𝐮𝐬-𝐭𝐢𝐭𝐫𝐞́ 𝐟𝐫𝐚𝐧𝐜̧𝐚𝐢𝐬

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Dans les années 70, de Genève à Zurich, d’un lac à l’autre, les cinéastes suisses - parmi d’autres - Francis Reusser et Fredi Murer ne ménagent pas leurs mots pour raconter leur pays: « Lausanne est une gigantesque Gestapo, la police est dans la tête des gens » (F.R.). « L’espal vital se rétrécit: on a le choix entre le pire et le moins pire » (F. M.). C’est ainsi en ces termes que se déploie la toile de fond sociologique du Grand soir (1979) et de Grauzone (1976). Deux villes terrifiantes de solitude, dans lesquelles on se soumet à l’ordre, s’espionne entre voisin.e.s, restent mutiques quitte à devenir sclérosé.e.s. En réponse à ce décor - qu’on dirait typiquement suisse - Reusser et Murer cherchent des voies pour un dérèglement. Dans Grauzone, l’épidémie de mélancolie qui s’abat sur Zürich rend autant saillants le contrôle social et la solitude des êtres qu’elle est le déclencheur d’une désobéissance silencieuse mais sonore. Alfred, chargé des écoutes pour un complexe industriel quitte sa tour de contrôle, erre dans la ville avec son magnétophone et recueille le discours d’un excentrique qu’il finira par diffuser dans l’usine.
Montage à l’intérieur des bandes. Distorsion du réel. Dans le Grand soir, Léon balade son enregistreur aux quatre coins de la ville, au dedans comme au dehors, et diffuse à qui voudrait bien l’entendre les bégaiements de Ghrérasim Luca. Extrait:
« ma terrible passion passionnée
je t'ai je terri terrible passio je
je je t'aime ».
Par ce simple geste, Léon déséquilibre son quotidien, celui de quelqu’un qui accumule les petits boulots et qu’on assimilerait aisément à un agent du capital. Preuve en est de sa puissance en actes, sa passion amoureuse et son humour viennent ébranler un groupe de militant.e.s léninistes qui butte contre lui-même. Plutôt qu’une critique à l’égard du collectif, le film fait d’une attitude anar - sans cesse vouée au présent et guidée par les sentiments et les mouvements les plus prosaïques - une voie de fuite nécessaire à toute révolution.
À cet égard, la phrase de Brecht que cite Reusser au sujet du projet politique du Grand soir est éclairante: «Avant d’apprendre à lutter, il faut apprendre à s'asseoir».

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𝐈𝐧𝐟𝐨𝐬 𝐩𝐫𝐚𝐭𝐢𝐪𝐮𝐞𝐬 :

𝐏𝐨𝐫𝐭 𝐝𝐮 𝐦𝐚𝐬𝐪𝐮𝐞 𝐨𝐛𝐥𝐢𝐠𝐚𝐭𝐨𝐢𝐫𝐞 𝐝𝐚𝐧𝐬 𝐥𝐞𝐬 𝐩𝐚𝐫𝐭𝐢𝐞𝐬 𝐜𝐨𝐦𝐦𝐮𝐧𝐞𝐬 𝐝𝐮 𝐜𝐢𝐧𝐞́𝐦𝐚 (𝐜𝐚𝐢𝐬𝐬𝐞, 𝐡𝐚𝐥𝐥, 𝐭𝐨𝐢𝐥𝐞𝐭𝐭𝐞𝐬) 𝐞𝐭 𝐩𝐞𝐧𝐝𝐚𝐧𝐭 𝐥𝐚 𝐬𝐞́𝐚𝐧𝐜𝐞.

𝐍𝐨𝐮𝐬 𝐯𝐨𝐮𝐬 𝐩𝐫𝐢𝐨𝐧𝐬 𝐞́𝐠𝐚𝐥𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐝𝐞 𝐧𝐨𝐮𝐬 𝐥𝐚𝐢𝐬𝐬𝐞𝐫 𝐯𝐨𝐬 𝐜𝐨𝐨𝐫𝐝𝐨𝐧𝐧𝐞́𝐞𝐬 (𝐧𝐨𝐦, 𝐩𝐫𝐞́𝐧𝐨𝐦, 𝐧𝐮𝐦𝐞́𝐫𝐨 𝐝𝐞 𝐭𝐞́𝐥𝐞́𝐩𝐡𝐨𝐧𝐞, 𝐚𝐝𝐫𝐞𝐬𝐬𝐞 𝐞-𝐦𝐚𝐢𝐥).
Signaler une erreur Ajouté par Cinéma Spoutnik le 7 septembre 2020