La décadanse

Terminus

Espace kugler

Une installation de Thomas Bonny

"De quel terminus s’agit-il ? De celui de l’Usine Kugler, désaffectée puis réaffectée, constamment menacée de fermeture, voire de destruction, et qui reste pourtant bruissante des activités artistiques qu’elle abrite ? Du terminus tout proche des bus des TPG, qui arrivent en fin de course, tard dans la nuit et qui s’endorment, vides, sur une place assignée, en un repos que l’on pourrait croire éternel, mais qui, au petit matin, repartent sur les chapeaux de roue vers de nouveaux itinéraires ? Ou plutôt, du terminus de l’œuvre et de l’activité de l’artiste, qui, arrivée comme au point mort d’un aboutissement, entre doute et repos au terme d’une course, qui est en même temps, la fin et son redéploiement. En somme, à la croisée des chemins contemporains qui cherchent leur propre finalité dans leurs aboutissements, l’incertitude du recommencement face à l’évidence d’avoir terminé quelque chose !

Thomas Bonny propose à l’espace kugler uneinstallation très structurée et profondément pensée, qui convoque, côté signification, ces arrivées que l’on croit sans futur, mais qui relèvent aussi, au sens large, du mythe de Dionysos, mort et né deux fois, et de l’archétype qui relie, en occident, la mort à la résurrection.

L’artiste nous a habitué à sa recherche étrange, qui partant d’éléments de réalité, simplifiés et comme ressemblés sur eux-mêmes dans ce qui est peut-être leur valeur la plus élémentaire, s’approchent d’une fascinante abstraction mentale, visant à l’essentiel, souvent non dépourvu d’une touche d’ironie. C’est comme un clin d’œil amusé dans les profondeurs. Mais l’essentiel, ici, n’est jamais purement intellectuel. Bien au contraire, il nous apparaît encore plus incarné que le réel. C’est que l’œuvre est toujours précédée d’un obstiné travail sur la figuration de la matière colorée. Ce qui semblait s’éloigner des formes végétales d’origine, de l’arche interrompue ou de la flaque d’eau inerte, y revient par le détour même d’une matérialité somptueuse, dont on ne saurait dire si elle est le fruit d’un travail virtuose ou du calme acharnement d’un artisan. De plus, les œuvres de Thomas Bonny jaillisent toujours de son vécu, qu’il s’agisse des disques vinyles en grands cercles, qui rappellent sa passion musicale ou des troublantes mandorles féminines.

Au centre du carrefour proposé dans Terminus, se dresse une borne incertaine, qui désigne de clairs indicateurs d’itinéraires avortés ou encore de grandes ouvertures, qui sont autant de portes dont les perspectives complexes font obstacle au passage et suggèrent l’infini. Il faut finalement écouter Thomas Bonny, quand il nous dit que l’œuvre se développe, comme dans un jeu exigeant mais jamais clos, entre le projet initial et la danse incessante des circonstances de la vie."
Marino Buscaglia
14:00 – 17:00
Signaler une erreur Ajouté par michel le 8 février 2008